Il existe un besoin fondamental chez tous les êtres humains. Un besoin à la source de bien des désirs et de bien des passions. Ce besoin s’exprime dans le désir de se sentir apprécié, de sentir qu’on compte pour les autres et de sentir qu’on aime et qu’on est aimé. Mais cela n’est qu’une expression d’un désir beaucoup plus profond. Cette expression cache une réalité primordiale; celle du besoin de se relier.
Quelle est la source de ce désir ?
Le besoin de se relier est issu d’un désir de retrouver des liens que nous avons déjà eu mais que nous avons perdus; c’est un désir de connexion et d’appartenance.
Le mot connexion provient du latin connexio qui veut dire lien, enchaînement. Ce mot est lui-même dérivé de conectere qui veut dire lier ensemble, nouer et basé sur nexus qui veut dire nœud.
Le mot appartenance vient du latin ad– et pertinere qui veut dire tendre vers, aboutir, revenir. L’appartenance est une destination, une finalité, un retour. C’est pouvoir tenir dans nos mains, être assez près des autres pour pouvoir les toucher.
Les peuples primitifs expliquaient la naissance de l’univers et de l’homme par une cosmogonie. Ce récit explique comment l’univers est né et comment l’homme est apparu. La cosmogonie égyptienne antique, par exemple, considère que l’univers est issu d’un être caché, d’un Tout, dont la nature est inconnaissable. Dans cette cosmogonie, toutes les entités faisant partie de l’univers correspondent à des manifestations qualitatives de cet être caché, à des manifestations d’un aspect, d’une qualité du Tout. Ce Tout est véritablement un être à l’échelle cosmique et est inconnaissable pour l’esprit humain car celui-ci n’est pas en mesure de se le représenter. Vu sous cette perspective, nous sommes les parties d’un Tout, notre individualité n’est qu’une manifestation, qu’une expression de cet être caché.
Bien qu’elle puisse paraître naïve, cette vision est démontrée en partie par la science; tout ce qui existe dans l’univers est interdépendant. Il n’existe aucune forme de vie qui soit complète en elle-même; l’existence de chaque forme de vie dépend de la présence des autres formes de vie. Nous ne pouvons pas exister sans les autres.
Cette séparation entre le moi et les autres est une illusion de notre ego. Nous ne sommes qu’une cellule d’un organisme plus grand que nous. L’être humain participe à faire vivre cet organisme au même titre que nos cellules participent à nous faire vivre. Sans la présence des autres, il n’y a pas de transformation possible, il n’y a pas d’évolution; il n’y a rien. La relation avec les autres est ce qui alimente notre souffle de vie.
Cette interdépendance existe à tous les niveaux. Nous dépendons autant de l’immense que de l’infime; l’échelle n’a pas d’importance. Nous connaissons tous le principe du chaos qui dit qu’un changement infime peut produire de grandes conséquences; c’est l’effet papillon. Ce principe dit que les battements d’aile d’un papillon ici peuvent finir par produire une tempête au Japon quelques semaines plus tard. Le chaos est la contrepartie de l’ordre. Ensemble, ordre et chaos déterminent tout ce qui se passe dans l’univers. Ce sont des pôles opposés qui s’attirent et se repoussent pour faire apparaître la danse de l’évolution d’où émerge la complexité.
Tout vient en paires dans l’univers. Les éléments de chaque paire forment une symétrie. La réciprocité est une forme de symétrie; celle du mouvement qui va puis qui revient. La respiration est une symétrie; c’est un mouvement qui tend vers l’extérieur, puis qui revient vers l’intérieur. Le battement du cœur est une symétrie. Notre corps est une symétrie.
Le besoin de connexion est aussi une symétrie. Il exprime notre besoin de retrouver cette autre partie dont nous avons été séparés à notre naissance. Une partie avec laquelle nous souhaitons pouvoir exprimer notre amour dans une danse de réciprocité; aimer et être aimé.
Le besoin de connexion est inné; il existe en nous sous la forme d’une source divine prête à donner et d’un désir prêt à accueillir. Cette source divine cherche à combler un besoin d’appartenance. Le besoin de connexion est un mouvement vers les autres pour retrouver un état d’appartenance, un état de cohérence, une union complète qui a été perdue à notre naissance.
Durant la première partie de notre vie, nous cherchons à exprimer notre différence, nous cherchons à montrer aux autres ce que nous avons de particulier, ce qui nous rend unique. Le geste a son utilité, mais il a ses limites. En mettant l’emphase sur ce qui nous différencie, nous amorçons un mouvement qui nous sépare des autres.
Cette séparation est visible partout dans le monde. Le monde contemporain a perdu la connexion avec la nature; elle est perçue comme quelque chose d’extérieur. Mais cela n’est qu’une illusion car la nature fait partie de nous, elle est l’extension de la vie qui vibre en nous. Nous sommes un avec la nature.
Nous vivons dans une époque où la société glorifie l’individualisme et fait tout en son pouvoir pour renier nos différences. Une société qui cherche à uniformiser, à amalgamer, qui rejette et isole les différences qui font sa richesse.
Ce mouvement qui nous sépare des autres est un regard mal posé. Ce regard sépare en classifiant, en catégorisant et en regroupant ce qui est similaire. Ce regard oblique est la source de la séparation.
Les différences qui existent en chacun de nous sont le tenon et la mortaise des bâtisseurs anciens, le sel et le poivre du cuisinier, les couleurs et la lumière de l’artiste, les mots, les verbes et les adjectifs de l’écrivain. Ces différences nourrissent ce besoin essentiel de connexion. Elles font naître une force qui cherche à réunir les pôles opposés pour qu’ils se complètent. Elles cherchent à réunir de nouveau le Tout dont elles sont issues. Elles cherchent à faire renaître la cohérence.
Comme les arbres, nous poussons d’abord vers le haut pour pouvoir capter toute la lumière du ciel et nous en nourrir. C’est le mouvement d’aller. Lorsque nous dépassons un certain stade de maturité, cette nourriture n’est plus suffisante. Ce mouvement que nous faisions vers les autres en leur montrant nos différences, en leur montrant ce à quoi JE ressemble ne s’avère plus suffisant pour nous nourrir.
Lorsque le mouvement de réciprocité atteint l’étape du retournement, nous cherchons notre nourriture ailleurs. Nous ne cherchons plus ce qui nous ressemble mais une énergie qui NOUS rassemble. C’est le début du retournement vers l’intérieur, vers la source divine en nous.
Nous découvrons alors que le chemin vers les autres passe par un chemin intérieur; on ne peut les atteindre qu’à travers nos racines. Nous ressentons le besoin de faire croître nos racines vers les autres pour s’y enrouler, pour les toucher. Toucher pour échanger, toucher pour transformer, toucher pour être transformé. Toucher pour aimer et être aimé.
La connexion est un besoin de réciprocité qui se réalise dans l’échange et la transformation. C’est un appel à devenir plus, en découvrant d’abord notre propre essence. C’est un appel à devenir plus en étendant nos racines vers les autres pour former un réseau, une communauté, un village. Des racines composées de bienveillance, de compassion et d’altruisme. Des racines qui cherchent à unir et à rassembler. Des racines qui raniment notre sentiment d’appartenance.
C’est lorsque nous bâtissons notre village que nous comprenons que nos différences sont le fil qui nous rassemble. Grâce à elles, nous pouvons éliminer la distance qui nous sépare et nous rassembler.
Lorsque ce retournement se produit, un fort besoin de connexion apparaît. Un besoin de connexion qui n’est pas basé sur la possession, mais sur l’échange, sur le partage, sur l’authenticité. Partager ses idées, ses rêves, ses projets. Partager ses peurs aussi, ses limites et ses échecs. Montrer sa vulnérabilité et ce que nous avons de plus vrai. Chercher à grandir à travers le contact avec les autres, et à les faire grandir aussi.
L’énergie qui alimente ce besoin est l’amour avec un grand A. C’est un amour qui n’est ni possessif, ni jaloux, ni envieux; c’est un amour qui construit et qui relie. Un amour qui jette un pont entre nous et les autres. Un amour qui donne ce qu’il a de plus beau et qui est prêt à accueillir ce qui est le plus difficile. Un amour qui ne cherche pas à enfermer, mais qui veut libérer. Un amour qui veut abattre les barrières qui nous séparent afin que nous franchissions la distance. Un amour qui oeuvre depuis la naissance de l’univers à incarner un nouvel être, un être inconnaissable. Un amour qui est la force derrière tout vrai rapprochement, toute vraie connexion.
Nous sommes tous des poussières d’étoiles, nous sommes tous fils et filles d’étoiles. Lorsque l’appel se manifeste, un besoin profond de connexion naît en nous. C’est un appel de nos origines, de nos ancêtres. C’est un appel à entrer dans la danse de l’évolution; c’est un appel à redevenir partie du Tout.
À l’image de nos ancêtres stellaires, cet appel nous enjoint à nous rassembler patiemment, un à un, pour construire et faire émerger un nouvel être cosmique, un soleil humain.
Relions-nous, célébrons et incarnons nos différences. Pas à pas, main dans la main, épaule à épaule et cœur à cœur, suivons le fil de l’évolution et rassemblons-nous. Ensemble, bâtissons notre village et allumons ce soleil humain.