Tout le monde connaît ce mot. Il est parfois le bienvenu, parfois pas. Certains le craignent, d’autres lui résistent, plusieurs l’acceptent et d’autres encore l’espèrent. Paradoxalement, le changement est probablement la chose la plus constante dans l’univers. Tout change, tout se transforme, rien ne reste jamais pareil. Les bouddhistes appellent cela l’impermanence.
Dans le monde des mots, le changement est l’enfant du verbe changer. Changer c’est devenir autre, c’est échanger une chose de valeur contre une autre, quitter une chose pour une autre, c’est devenir méconnaissable, c’est se transformer.
Le changement implique de passer d’un état à un autre. De renoncer à un état, un aspect, une chose pour la remplacer par une autre. C’est rendre autre, modifier.
Ce qui permet le changement, c’est l’échange. Échanger c’est donner quelque chose de valeur pour recevoir une autre chose en contrepartie. C’est une réciprocité. Échanger avec quelqu’un nous transforme et transforme aussi l’autre personne. Pour se transformer, il faut accepter de renoncer à certains aspects que nous possédons pour les remplacer par d’autres aspects que nous souhaitons. C’est un troc, un échange.
Le changement naît toujours d’une intention. L’intention, c’est la mise sous tension d’un mouvement vers le changement. C’est faire naître un déséquilibre chez nous qui nous fait pencher dans une direction, qui amorce un mouvement. C’est un combat perpétuel entre l’état statique, un état stable, sans mouvement, et l’état dynamique qui est un état en mouvement, donc instable. Cette mise sous tension fait naître une force qui nous déséquilibre puis qui nous ramène vers un nouvel état d’équilibre. Ce mouvement transitoire est le changement. C’est passer de soi à un autre soi, c’est devenir autre.
Lorsque l’appel s’est manifesté chez moi, j’ai immédiatement senti le besoin d’y répondre, le besoin d’avancer. J’ai alors décidé, sans comprendre la raison, que je devais partir en expédition. Ce n’était pas une fuite, c’était une façon d’incarner mon besoin d’avancer. Marcher incarne le changement. Placer un pied devant l’autre nous place dans un état de déséquilibre; nous devons alors avancer l’autre pied pour retrouver l’équilibre. Marcher entraîne le même mouvement que changer. Marcher est donc devenu pour moi la mise en place d’une habitude; celle de changer, celle d’avancer consciemment sur mon chemin de vie. Comme le fait de marcher, chaque petit changement s’accumule pour produire un grand changement. Chaque pas aide à franchir la distance.
Le changement est un élément central de la vie. C’est le vent qui souffle sur notre chemin et nous porte vers l’avant. Le vent est aussi un déséquilibre transitoire. C’est un mouvement de l’air qui cherche à rétablir un équilibre entre deux pressions qui diffèrent.
Chez bien des vivants et l’être humain en particulier, le changement s’incarne aussi dans la respiration. Respirer est l’action d’échanger et de se transformer, c’est incarner le vent du changement qui nous habite du premier jusqu’au dernier souffle.
La première étape du changement est le renoncement. C’est l’action de renoncer au soi actuel pour devenir autre. C’est se laisser mourir pour pouvoir accueillir un autre en devenir, un autre qui n’existe pas encore. Entre le moment du renoncement et son arrivée, il y a donc une période transitoire, un passage forcé, un vide, un gouffre. C’est l’étape de la dissolution. L’étape où le soi se dissous pour être réorganisé, pour être transformé en l’autre. Le mot l’exprime bien. Transformer c’est emprunter le passage qui mène d’une forme à une autre. Se transformer est une naissance; celle d’un nouveau soi.
Ce que la chenille appelle la fin du monde, le sage l’appelle un papillon.
Richard Bach, écrivain
Ce passage forcé, cette nécessité à renoncer au soi actuel avant de pouvoir accueillir l’autre est ce qui entraîne la résistance et la crainte du changement. Le changement en lui-même n’est pas difficile; c’est la résistance au changement qui l’est. Changer, c’est faire un saut dans le vide, c’est quitter le sol pour se laisser tomber dans un précipice. C’est accepter de faire un pas sur notre chemin de vie et se jeter tête première dans le gouffre du changement.
Changer demande du courage. Changer c’est savoir lâcher prise, faire confiance à la vie, s’ouvrir et accueillir ce qui bientôt se présentera. C’est remettre au destin toute velléité de contrôle et se laisser emporter par un souffle de vie, par le vent du changement. Un vent qui nous nourrit, nous transforme et nous entraîne petit à petit à faire face à notre histoire.
Changer demande du courage. Accepter le changement, c’est emprunter le chemin qui nous mène vers notre essence; c’est avancer avec courage vers notre destin. C’est avoir foi et espérer plutôt que résister.
Pour changer, la recette est simple; il suffit de faire un pas, le premier, puis se laisser emporter.
Être, changer, devenir