Réciprocité

La réciprocité est ce qui est de nature réciproque. Le mot réciproque a comme racine latine le mot reciprocus. Ce qui est réciproque, c’est ce qui revient au point de départ, c’est ce qui va et qui vient. C’est une relation entre deux éléments.

La réciprocité est un mouvement d’aller puis de retour. C’est un mouvement qui illustre la façon d’opérer de l’univers. D’abord un mouvement d’aller dans une direction, puis le désir de revenir au point de départ.

On retrouve ce mouvement dans le règne du vivant. Les papillons monarques quittent le Mexique en mars pour remonter au nord, jusqu’à nos contrées. Durant ce long voyage, plusieurs générations de papillons meurent et se succèdent pour arriver à destination. On ne comprend pas les raisons qui les poussent à entamer ce long voyage de plus de 4000 km. L’automne venu, les monarques reprennent la route vers le Mexique.

Les saumons reproduisent le même phénomène. Ils entreprennent un long et périlleux voyage pour retourner à leur lieu d’origine, à l’endroit exact où ils sont nés, pour y déposer leurs œufs. Ce voyage les oblige à remonter sur plusieurs milliers de kilomètres océans et rivières. Ce voyage est entrepris sans se nourrir et en avançant sans cesse. Les obstacles à la survie sont nombreux; prédateurs et obstacles naturels qui les oblige à sauter pour les franchir. Les femelles vont déposer les œufs qui seront fécondés par les mâles. Ils meurent ensuite. À leur naissance, les petits vont grandir et retourner à l’océan, puis refaire le même cycle.

Ce cycle, c’est le mouvement de réciprocité. C’est un aller et un retour. Ce cycle touche aussi les humains. L’appel du retour se produit lorsqu’une étape de maturité est atteinte. Un désir de retourner à nos origines naît alors. Un appel qui se veut irrésistible car il est nourri par notre nature même, l’essence divine qui se cache en nous.

Comme les papillons monarques et les saumons, nous vivons en réciprocité. La réciprocité, c’est ramener en arrière. C’est parcourir ce que nous avons déjà parcouru mais dans l’autre direction.

La réciprocité est une action mutuelle, une interdépendance. C’est un écho qui résonne en nous. C’est la vague qui se jette sur une plage et le ressac qui la suit. La réciprocité est ce qui nourrit une relation; c’est l’échange vers quelqu’un et son retour vers la source.

La correspondance qui existe entre les différents mondes que nous habitons et qui nous habitent opère par réciprocité. Les actions que nous posons transforment le monde sensible. Par réciprocité, ce mouvement de transformation revient vers l’arrière, retourne à son origine et transforme notre monde intérieur. La correspondance entre tous ces mondes est une réciprocité.

Physiquement, nous incarnons la réciprocité dans la respiration. Respirer est un mouvement de réciprocité. D’abord insuffler de l’air dans nos poumons et s’en nourrir, puis expirer cet air en le retournant transformé à son point de départ. Cette façon de faire est à la base de tout changement dans l’univers; accueillir, se nourrir de ce que l’on accueille, être inspiré, puis le retourner et le partager dans un mouvement réciproque.

Dans la plupart des religions, il y a une règle de réciprocité; c’est la règle d’or. Traite les autres comme tu voudrais être traité; aime ton prochain comme tu t’aimes toi-même. La réciprocité est une forme d’éthique.

Nous vivons dans un monde où tout est interdépendant. Cette relation mutuelle où chaque partie nourrit l’autre partie naît du principe de la réciprocité. Le mot inter, dont la racine est latine, exprime l’idée de relation malgré la distance, la séparation qui existe entre deux choses. L’interdépendance, c’est l’existence d’une unité malgré cette distance, malgré la séparation.

La locution vice versa est de la même famille. Elle signifie littéralement «position renversée». La réciprocité est un renversement, un changement total de direction. Même si ce changement procède d’un principe naturel qui nous échappe, on comprend mieux pourquoi son apparition et ses conséquences peuvent être si bouleversantes dans une vie.

La vie est le chemin de la réciprocité. C’est un mouvement d’aller vers l’extérieur pour croître, pour grandir. De notre naissance, jusqu’à ce moment où nous recevons l’appel, nous sommes en devenir. Lorsque l’appel se manifeste, nous passons au mouvement inverse. D’un regard, d’interrogations tournées vers les autres, vers l’extérieur, nous entreprenons un revirement, un long pèlerinage dans notre monde intérieur afin de découvrir notre essence, afin de retrouver notre vrai centre. C’est un retour à notre point de départ, à notre origine mais avec toute l’expérience de vie qui nous a transformés. Nous ne sommes plus un enfant, nous sommes un être mature qui cherche à se retrouver, à se relier à son essence en la dévoilant pour faire éclore une nouvelle vie. Nous sommes cette chenille qui retourne dans son cocon pour se transformer pour une nouvelle vie. Un revirement total où elle se dépouillera de son armure, son squelette externe, pour la remplacer par des ailes qui lui permettront de quitter le sol, être libre, prendre son essor et s’envoler.

La vie a parfois toutes les apparences d’un labyrinthe. Un labyrinthe que nous devons emprunter pour nous retrouver en nous perdant. C’est la première étape du chemin de vie, un fil d’ariane que nous déroulons pour pouvoir plus tard nous retrouver. Puis vient la seconde étape, cette étape où nous nous retournons et retraçons ce fil d’ariane pour revenir à notre essence et faire naître en nous une nouvelle vie. Une vie où nous chercherons à nous relier aux autres, à bâtir notre village, à faire émerger un soleil humain.

Nous sommes tous unis par un mystère inconnaissable. Notre individualité n’est que la réciprocité d’un Tout dont nous faisons partie. L’univers opère par paradoxes et par des relations de réciprocité. Il nous fait aller vers l’avant puis nous appelle pour revenir en arrière, après nous avoir transformé, pour que nous soyons plus. Nous sommes tous des chenilles appelées à devenir des papillons. Nous sommes tous porteurs d’une flamme, d’une lumière, qui en se reliant aux autres cherche à faire naître un nouveau soleil.

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