Hiwaga

Ce mot provient de la langue tagalog (« les habitants du fleuve ») telle que parlée à l’origine en Philippine et utilisée encore aujourd’hui par la majorité des Philippins comme langue seconde.

Hiwaga veut dire à la fois « mystère », « magie » et « merveille ». C’est le sentiment qu’on éprouve face à quelque chose qu’on ne peut expliquer, la sensation de toucher à quelque chose de plus grand que nous et l’émotion forte qui nous submerge dans l’émerveillement.

Hiwaga, c’est le regard de l’enfant qui aperçoit pour la première fois le monde dans lequel il arrive. Des yeux emplis d’excitation et de questionnement devant le mystère qui s’ouvre devant lui. Des yeux qui ne se lassent pas d’admirer et de s’émerveiller devant le ballet de couleurs qui l’entourent.

Hiwaga, c’est le regard que nous avons perdu en grandissant. À force d’être en présence de ce tableau, nous venons à le tenir pour acquis ; l’habitude le dérobe de tout son mystère, il perd sa magie, nous devenons insensibles et nous cessons de nous émerveiller.

Le fait d’ignorer le mystère ne le fait pas disparaître. Cela ne fait que rendre la vie plus morose en enlevant tout ce qu’elle contient de magie. Le mystère, c’est l’univers qui nous parle dans la langue du silence. Qui cherche à nous rejoindre pour nous toucher, qui veut se relier à nous.

Héraclite disait que “La Nature aime à se cacher”. Que l’on parle de « Nature » ou « d’univers », ce mystère dans lequel nous baignons est un enfant mystérieux qui veut jouer avec nous. Jouer à échanger, jouer à se cacher, jouer avec l’espoir d’être découvert. L’univers nous chuchote constamment dans la langue du silence. Une langue composée de paradoxes. Une langue qui cherche à détourner et capter notre attention à travers le bruit du silence. Une langue qui telle un murmure secret ne peut être entendue que si nous savons l’écouter.

Certaines personnes en font leur mission de vie. Qu’on pense aux scientifiques qui cherchent à comprendre les lois de l’univers. Aux biologistes qui cherchent à comprendre l’origine de la vie. Aux mathématiciens qui tentent de bâtir un langage qui puisse exprimer les phénomènes observés et l’essence même de l’univers.

Il y aussi les gens qui s’enfoncent dans le confort de leur vie et qui cessent d’écouter ce murmure. Jusqu’à ce qu’un grondement sourd, un fort courant, l’appel de l’univers, les incite à écouter de nouveau.

Selon les croyances, l’univers pour certains n’est que le fruit du hasard alors que pour d’autre il a un sens et un but. Quelle que soit notre opinion là-dessus, l’univers est la demeure du mystère. C’est le lieu d’où naît toutes nos questions. C’est un lieu de naissance. Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ? Pourquoi existe-t-on ?

Parmi ces questions, beaucoup ne trouveront jamais de réponse. Car une partie de l’univers restera à jamais cachée à notre regard et à notre entendement. C’est la partie indicible de l’univers. C’est son côté secret. Mais l’univers est aussi cet enfant qui fredonne à notre oreille une douce mélodie pour que nous venions jouer avec lui, pour qu’il puisse se raconter. Jouer à la magie, jouer à tourner, jouer à le découvrir.

Cette mélodie de l’univers, c’est une chanson pour nous appeler à devenir plus conscient, à devenir plus attentif, à apprendre à écouter, à changer notre regard. C’est un appel à faire de la curiosité notre outil principal, c’est un appel à se défaire de la peur qui ne fait que nous enfermer. C’est un appel à accepter le changement, à naître et à renaître constamment.

Ce mystère dans lequel nous baignons est ce fleuve qui nous transporte, qui tourne et nous retourne. Ce fleuve immense a besoin de toutes les gouttes d’eau que nous sommes. Il nous appelle à le rejoindre, à nous relier à lui, pour que d’êtres éphémères nous puissions toucher à l’éternel.

François Cheng, un poète et écrivain français, résume le cours de la vie comme composée de trois étapes ; la sensation, la direction et la signification. Comme les gouttes d’eau qui cherchent à rejoindre le fleuve, nous cherchons d’abord dans la première phase de notre vie à éprouver le plaisir des sens ; à nous évaporer dans les plus hauts nuages du plaisir et à ruisseler de bonheur.

Dans la seconde phase de notre vie, nous cherchons la direction ; nous cherchons à nous diriger ce vers quoi nous pourrons durer. Ce qui meuble nos jours devient alors une direction. Sans encore comprendre ce vers quoi nous allons, nos décisions nous amènent à franchir la distance.

Dans la troisième phase de notre vie, nous cherchons la signification. Nous ressentons le besoin de comprendre, de donner un véritable sens à notre vie, à retrouver notre essence. C’est à cette étape que nous découvrons ce fleuve qui nous attire. Que nous ressentons fortement son appel à le rejoindre pour pouvoir toucher à l’éternel.

Ce mystère qui nous entoure, nous devons lui laisser la place qui lui revient dans notre vie. Il faut lui laisser l’espace nécessaire pour qu’il puisse nous toucher, nous guider, nous attirer vers lui.

Le mystère, à défaut de pouvoir le comprendre, il faut le célébrer. Il faut apprendre à reconnaître ses signes, son langage. Il faut comprendre que ce que nous appelons le hasard n’est qu’une expression du mystère.

L’univers est un enfant qui nous souffle constamment à l’oreille ; viens jouer avec moi, viens colorier, viens me découvrir. Il n’a qu’un message pour nous ; tout est relié, tout n’est que relation.

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