Inspiration

S’il y a un mot qui exprime bien l’essence de la vie, c’est le mot inspiration. Ce mot d’apparence ordinaire cache sa part d’extraordinaire. Il est à la fois image et action et représente une énergie particulière qui a comme source notre vrai centre.

L’inspiration a comme origine le mot latin spiro qui veut dire souffler à lequel on ajoute le préfixe in- pour représenter la direction. Être inspiré veut donc littéralement dire souffler dans, souffler vers l’intérieur, insuffler. Le mot animal lui est relié et dérive du latin anima, qui signifie souffle vital, âme, esprit.

L’air que nous respirons a toujours représenté un élément central dans la mythologie des peuples anciens. L’air est ce qui nous permet de vivre, c’est un souffle de vie. Les Égyptiens avaient un nom pour cela; l’ankh. L’ankh était cet élément particulier qui entrait dans un corps pour lui insuffler la vie et qui le quittait la mort venue. L’ankh était ce souffle qui rendait vivant. En Inde, on l’appelle le Prana et en Chine, le chi (ou qi). Pour les peuples amérindiens, le vent est la voix du Grand Esprit et son souffle anime tout l’univers.

L’inspiration représente aussi un aspect créateur, un aspect divin; c’est l’enthousiasme qui s’immisce en nous et nourrit nos actions. Lorsque nous créons, c’est parce que nous sommes inspirés. L’inspiration est d’abord un acte qui s’incarne; nous inspirons l’air dans notre corps. Cet acte se transpose ensuite au niveau de l’esprit. L’inspiration devient l’acte de nourrir notre esprit.

Les mots esprit et inspiration proviennent de la même racine. Le premier est une capacité, un espace, le second est une action. L’inspiration est ce qui entre en nous et nous fait créer; c’est ce qui fait naître l’esprit, le comble et nous anime. Comme l’air, l’esprit est invisible; on peut le ressentir et le toucher, mais on ne peut pas le voir. Pour le voir, il faut qu’il fasse naître par la création; la création est une inspiration qui s’incarne, c’est une incarnation de l’esprit.

L’inspiration a la capacité de nous émouvoir et de nous exalter. Émouvoir en faisant naître des émotions dans notre monde intérieur. Exalter en faisant monter le niveau de notre enthousiasme en nous transportant dans les plus hautes sphères de la motivation. L’inspiration est ce mot caméléon qui a plusieurs usages et plusieurs niveaux de lecture. C’est un mot qui s’incarne en nous pour nous faire vivre un moment de réciprocité. Nous accueillons d’abord le souffle de vie en nous, nous nous nourrissons de cet air pour créer, puis nous retournons cet air vers l’extérieur, et lui offrons notre création. La respiration est un mouvement vers l’intérieur suivi d’un mouvement vers l’extérieur. Un mouvement vers une solitude, notre monde intérieur, suivi d’un mouvement vers la collectivité, le monde qui nous entoure. Ce mouvement de va et vient, nous le répétons des millions de fois dans une vie; c’est un mouvement circulaire qui est nécessaire pour rester vivant, c’est la base de la relation. Dans ces millions de respirations, deux se démarquent; notre premier souffle et notre dernier.

Notre premier souffle est notre premier échange avec le monde extérieur; c’est notre toute première relation avec celui-ci. Il nous enseigne que l’essence de la vie est d’être en relation. Le souffle devient la première lettre de notre langage relationnel; c’est l’abc de la vie.

Lorsqu’arrive notre dernier souffle, un passage s’ouvre devant nous; un nouveau monde s’annonce. C’est la fin d’une forme de vie et le début d’une toute nouvelle vie; une vie remplie de mystère.

Notre qualité de vie s’exprime souvent dans la façon dont nous inspirons. Si nous sommes tendus, notre inspiration va être plus rapide et moins profonde; nous allons avoir besoin d’une grande inspiration pour nous calmer. Le fait de respirer exprime les qualités que nous devons maîtriser pour bien vivre. Respirer lentement et profondément pour apprendre à laisser entrer en nous tout ce que la vie nous offre, tout ce qui se présente. Prendre le temps de ressentir le souffle de vie qui nous habite en lui portant attention. Utiliser la respiration comme ce mouvement de va et vient qui nous permet d’entrer en relation avec les autres en recevant puis en donnant.

La vie nous présente parfois des situations où nous avons le souffle coupé. Devant la beauté, nous sommes souvent saisis et en oublions de respirer. Beauté devant des gestes altruistes, beauté devant une façon d’être, beauté à travers une authenticité pleinement assumée, beauté devant la splendeur du vrai.

Il arrive parfois aussi que le souffle nous manque. La vie nous semble moins joyeuse, l’air peut parfois être lourd. Dans cette situation, nous avons besoin d’une bonne bouffée d’air frais. Il faut prendre une grande inspiration et gonfler complètement nos poumons pour laisser entrer en nous une pleine ration du souffle de vie. Ce souffle nous enseigne que chaque moment de la vie peut nous inspirer.

Lorsque nous nous nourrissons du fruit de nos expériences, nous grandissons et devenons des hommes-sages et des sages-femmes. Cette sagesse est un air immatériel qui entre en nous et nourrit notre esprit. Avec cet air divin, nous obtenons le pouvoir de faire renaître la vie en nous et de l’insuffler à ceux qui en ont besoin; ceux qui cherchent à renaître, ceux qui sont parfois devenus des morts-vivants et veulent s’éveiller.

Les bouddhistes utilisent la respiration comme un outil pour soigner et guérir le monde. Le tonglen est une pratique du bouddhisme tibétain qui utilise la respiration consciente comme outil pour donner et recevoir. Recevoir d’abord en inspirant en nous toutes les choses négatives qui sont vécues autour de nous et en les purifiant dans notre esprit. Puis, retourner ce qu’il y a de plus beau en nous dans l’expiration en le partageant avec les autres. Cette façon consciente de respirer est l’incarnation de la compassion; la capacité à ressentir les émotions difficiles vécues par les autres et à s’en emparer pour les en libérer. À travers notre propre respiration, nous pouvons aider les autres à faire le vide en eux, à libérer de l’espace dans leur esprit pour qu’ils puissent ensuite accueillir ce qu’il y de plus beau. Le tonglen est une respiration individuelle et collective. C’est une respiration qui relie.

Pour pouvoir continuer d’avancer consciemment sur mon chemin, je constate que j’ai souvent besoin d’inspiration. J’ai besoin de recevoir une ration supplémentaire de cette énergie divine des autres en attendant que je découvre pleinement mon vrai centre, cette source en moi qui pourra à la fois m’inspirer pleinement et me permettre de la redonner. Pour recevoir de l’inspiration, j’aime observer la façon d’être des personnes que je rencontre. Parfois l’effort est facile; les gens m’inspirent par leurs qualités, par leur présence, par leur bienveillance. Parfois l’effort est plus ardu, car l’attitude de certaines personnes s’avère difficile et demande de me tourner vers la compassion plutôt que vers des réactions émotives en réponse à leur attitude. Dans le premier cas, je nourris mon inspiration, dans le second cas j’essaie de les inspirer. Ces deux types de rencontres dans la vie sont une expérience de respiration; c’est un mouvement de va et vient. Aller puiser de l’inspiration chez ces êtres généreux qui respirent la bienveillance et s’en nourrir pour la partager avec les autres. C’est un tonglen relationnel; c’est l’inspiration qui relie.

Écrire ces billets est un exercice de découverte qui m’amène vers des zones inexplorées. J’ai l’impression derrière mon clavier de naviguer dans la profondeur d’un océan de mots et par correspondance dans mon inconscient où je vogue de surprise en surprise. J’ai le plaisir de découvrir le sens qui relie les mots entre eux et découvrir ainsi un sens profond qui me relie à la vie. Je sais que tranquillement je m’approche de la source d’inspiration qui loge dans mon vrai centre. Je sens qu’en préparant ces billets, je me prépare à écrire le prochain chapitre de mon histoire. Et je me mets parfois à rêver à l’effet qu’aurait sur la santé du monde le fait de tous respirer consciemment en union, en parfaite cohésion.

Pour faire naître le changement, il faut d’abord l’incarner. Incarner en marchant vers notre vrai centre. Incarner en retrouvant et en s’ancrant profondément à nos racines. Incarner en accueillant l’inspiration et en devenant inspiré.

Avec un fil d’inspiration, il faut tisser cette communauté d’hommes-sages et de sages-femmes qui ne demandent qu’à se relier pour mettre au monde notre village. Parce que la finalité, c’est bien cela; bâtir notre village. Un pas, une inspiration à la fois.

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