Appel

L’appel peut survenir à tout moment. Comme la lave d’un volcan qui émerge à la surface après un long et laborieux voyage dans les entrailles de la terre, l’appel est cet écho de nos origines qui cherche à détourner notre attention. Il cherche à détourner notre attention des distractions de la vie qui nous enferment afin de nous libérer et nous ramener à l’essentiel.

Nos sociétés modernes ont perdu de vue certains rites pratiqués par nos ancêtres et les cultures primitives. Nous sommes souvent mal préparés et ne comprenons pas le sens de cet appel lorsqu’il survient. Avant d’apparaître clairement, il se manifeste souvent par une insatisfaction grandissante, une insatisfaction qui nous semble incompréhensible car nous avons atteint les objectifs de vie que nous nous étions fixés. Malgré la réussite, la satisfaction ne dure pas et une insatisfaction s’immisce en nous. Ce grondement souterrain, d’abord presqu’inaudible, devient de plus en plus bruyant, jusqu’à ce qu’il se révèle sous sa vraie nature; un appel à découvrir ce que nous sommes vraiment, un appel à découvrir notre essence. Un appel à trouver notre vrai centre.

Cet appel prend la forme d’un désir qui apparaît. Le désir c’est le souhait de retrouver quelque chose que nous avons déjà connu mais que nous avons perdu. Du latin de-siderium, qui provient de sidus, sidere (l’astre, l’étoile), il évoque la nostalgie d’une étoile que nous avons perdue. Les étoiles ont toujours joué un rôle divinatoire chez l’homme; nous avons un lien filial avec elles. Tous les atomes qui forment notre corps ont été fabriqués par des étoiles; nous sommes tous des poussières d’étoiles. Les étoiles nous ont enfantés.

Cet appel, ce désir, peut donc être vu comme un écho de nos origines. Nos origines stellaires, bien sûr, mais aussi notre origine divine, cet aspect de notre être qui contient un trésor divin, un trésor sacré. Un trésor qui contient notre véritable identité, le sens de notre vie et la mission que nous avons à jouer comme être humain. L’essence de notre vie est de déterrer ce trésor et amener son contenu à la lumière.

L’appel implique souvent une remise en question. Comprendre la racine des mots nous permet d’en comprendre la raison.

Une question, c’est l’action de faire une quête. Dans le français ancien, une quête était une queste. Une queste implique l’action de chercher et désigne aussi un butin. Faire une remise en question, c’est donc partir à la recherche d’un trésor. La qualité du butin trouvé découle directement des questions posées, d’où l’importance de poser les bonnes questions.

La remise en question ramène notre attention aux questions suivantes :

Qui suis-je ?

Quel est le sens de la vie ?

Quelle est ma mission de vie ?

Partir à la recherche d’une réponse à ces questions est la première étape. C’est partir en quête. Mettre en pratique la réponse à ces questions, est la seconde étape. C’est réaliser notre mission de vie. Cela prend toute une vie pour faire cela, et tout cela c’est le sens et l’essence d’une vie.

Dans son livre d’une grande profondeur “Le bréviaire du colimaçon”, Jacqueline Kelen discute de l’aventure spirituelle qu’est cette quête essentielle. Pour elle, le désir se manifeste dans l’ABC. Le désir peut naître de l’amour (A), de la beauté (B) ou d’une crise (C).

Le désir né de l’amour prend la forme d’un sentiment amoureux, filial, parental ou d’une amitié. Cette forme de désir est l’écho de notre origine divine qui est essentiellement constituée d’amour.

La seconde forme du désir est le désir né de la beauté. La beauté est la splendeur du vrai, elle est l’expression de l’authenticité. La beauté rend visible une réalité qui nous est cachée, elle ouvre nos sens à ce qui est invisible. Elle est, à sa façon, un appel à tourner notre regard vers ce qui est vrai.

La troisième forme du désir est le désir né d’une crise. Ce désir s’exprime lorsque l’appel à travers l’amour ou la beauté n’a pas été entendu. Le mot crise dans son sens premier indique un moment clé, une phase critique. C’est l’étape où on doit juger, décider et agir. On peut donc voir la crise comme un état paradoxal. À partir d’une situation négative, une opportunité de nous tourner vers le vrai se manifeste. C’est une occasion qui se présente souvent dans une situation de maladie, de perte ou qui précède un changement important (enfants qui quittent la maison par exemple). Cette forme de désir est souvent forte, même violente, car on peut l’associer à un dernier appel à agir. On la rencontre souvent en milieu de vie lorsque notre finitude devient plus évidente, plus pressante.

Quelle que soit la façon dont l’appel se manifeste, la présence de ce désir nous demande de porter notre attention et nos efforts vers cette quête essentielle. C’est l’étape du grand voyage, du pèlerinage vers la vérité, à la recherche de ce trésor tant convoité. C’est l’étape où on réalise que ce trésor ne se trouve pas à l’extérieur de nous, à travers le regard des autres, mais bien en nous. Ce pèlerinage est donc un voyage dans les profondeurs de notre être, vers notre vrai centre, notre origine. C’est faire la lumière sur nos zones obscures, notre inconscient, pour voir ce qui s’y cache, et laisser remonter à la lumière de la conscience ces éléments qui déterminent notre personnalité, ce que nous sommes vraiment.

C’est à cette étape que nous constatons que nous sommes tous des arbres. Issus d’un germe qui contient tout notre potentiel, nous avons d’abord grandi au sein de la terre, notre mère nourricière. Lentement, nous avons édifié un réseau de racines dans le sol pour nous ancrer, nous nourrir et nous permettre de grandir. Nous avons ensuite édifié un tronc à partir duquel nous nous sommes lancés à la conquête des étoiles, cherchant à étendre nos feuilles pour capter toute la lumière du ciel. Mais notre destination n’est pas dans l’atteinte des étoiles. Notre vraie destination consiste à utiliser la lumière du ciel pour accroître notre réseau de racines, notre village, notre communauté, en nous reliant aux autres. À creuser encore plus profondément dans le sol jusqu’à ce que nos racines touchent à la source de notre origine divine. C’est un travail invisible, un travail de l’intérieur, un travail en profondeur. Car là se trouve notre vrai trésor, là se trouve l’esquisse de notre mission de vie, le germe de cet héritage que nous laisserons aux générations futures. Là se trouve la matière première, la source d’amour qui alimentera notre action.

C’est dans ces racines, dans notre monde intérieur, que loge notre essence éternelle. Cet appel est l’écho de nos origines. Il nous demande de rayonner de l’intérieur vers l’extérieur et de relier notre lumière à celle des autres.

Cet appel nous invite à redevenir une étoile. Il nous demande de nous allumer et par notre lumière, briller pour éclairer les autres. Les convier à faire de même, à se relier, pour qu’enfin naisse le soleil du genre humain.

Lorsqu’un tel appel se présente, c’est un monde de possibles qui apparaît. C’est à la fois une grande chance, un grand moment et une grande responsabilité. C’est le jour où commence pour nous une toute nouvelle vie. C’est un lever de soleil, une nouvelle étoile qui s’embrase pour la première fois.

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