Depuis toujours, l’être humain utilise des symboles pour représenter l’univers dans lequel il vit. Que ce soit l’art rupestre dans les cavernes de l’âge paléolithique ou les hiéroglyphes des pyramides d’Égypte, ces symboles codifient sa façon de voir l’univers, ils sont les lettres d’un alphabet qui raconte sa perception de ce qui l’entoure. Ces symboles racontent son histoire.
Cette façon de raconter porte un nom; c’est une mythologie. Le mot mythe vient du grec mûthos et signifie fable, conte, légende. Le mythe est une forme d’expression qui verse dans le fabuleux, dans l’allégorie et souvent dans le fantastique. Le mythe peut paraître peu crédible et irréel par sa forme. Mais le mythe a toujours pour essence une vérité qui est exprimée par une métaphore. La métaphore sert de courroie de transmission pour transporter cette vérité dont l’expression directe est difficile. La métaphore amène vers la compréhension à travers une analogie. Par exemple, pour exprimer le concept de développement personnel, on va souvent utiliser la métaphore du chemin; être à la croisée des chemins va exprimer, par exemple, un moment déterminant du développement personnel où des choix importants se présentent.
La métaphore s’apparente au symbole. L’origine du mot symbole vient du grec sumbolon et signifie associer, mettre ensemble. Le symbole était à l’origine un tesson de poterie cassé en deux morceaux puis partagé entre deux personnes. Le symbole représentait une entente, un contrat qui liait les deux parties. Chaque morceau ne pouvait s’emboîter que dans l’autre morceau qui lui correspondait parfaitement; les morceaux étaient une façon de représenter ce lien unique. Au sens figuré, le symbole représentait un ensemble séparé en deux parties dont chaque partie exprimait l’existence de cet ensemble, mais dont le sens restait caché tant que les parties étaient séparées. Pour pouvoir retrouver ce sens, il fallait posséder les deux parties et les relier.
Le sens du mot symbole tel que nous l’utilisons aujourd’hui dérive de cette origine. Le symbole représente un concept exprimé par une image, une marque qui l’associe à une connaissance, une entente, un contrat, un engagement, une alliance ou une vérité. Le fait d’évoquer le symbole fait apparaître le sens qui lui est associé. Par l’évocation d’un symbole, on peut se remémorer ce sens qui est difficilement exprimable autrement.
Tous les êtres humains sont en recherche de sens. Trouver le sens de la vie, trouver le sens de leur vie. Cette recherche de sens vise à retrouver ce à quoi nous étions reliés à l’origine mais dont nous avons été séparés. Chaque personne est un symbole. Le symbole d’une alliance avec cet être à notre origine. Un symbole qui cherche à se relier de nouveau à cet être pour que la vie retrouve tout son sens.
Le mythe est une construction symbolique. Il permet la cohésion dans un groupe de personnes. Lorsque ces personnes souscrivent au même mythe, elles sont comme ces tessons de poterie qui peuvent s’emboîter les uns dans les autres et faire apparaître le sens du mythe, sa vérité. Le mythe est une colle symbolique qui relie. Une colle qui relie autour de valeurs communes, de vérités partagées, d’un sens commun. C’est un élément essentiel pour relier et créer du sens. Le mythe est l’atome du sens; il permet l’alliance.
Les mythes existent depuis la nuit des temps. Ils expriment dans un alphabet des vérités communes. C’est un langage qui a sa propre forme et qui exprime le sens de la vie à travers des symboles. C’est un langage qui relie. C’est un langage que nous devons réapprendre car notre culture l’a perdu. Les mythes forment notre culture et lui donnent une voix. Une voix qui exprime notre vécu, une voix qui puise dans notre imagination pour raconter nos aspirations et nos rêves. Une voix qui compose et raconte une belle histoire à travers une langue poétique et magique, la langue des mythes.
Comme société, en nous séparant de la nature, en nous séparant de nos semblables, en centrant notre attention sur nous-mêmes dans l’individualisme, nous nous séparons en même temps de ces mythes qui nous relient.
La plupart des religions du monde sont basées sur une mythologie qui leur est propre. À travers les histoires racontées dans chaque religion, elles expriment des vérités sous forme d’allégories. Certaines personnes prennent ces allégories à la lettre plutôt que dans leur sens véritable qui est caché. Cela mène vers des dérives et vers l’intégrisme. La religion d’aujourd’hui souffre de ce fait. Elle est délaissée par la plupart parce que son sens a été détourné; l’intégrisme s’en est emparé pour revendiquer des valeurs qui ne sont pas partagées.
Le monde d’aujourd’hui souffre cruellement d’une absence de sens. Les gens se lancent dans des distractions pour anesthésier leurs manques, pour oublier que leur vie a peu de sens. Ce sens ne peut être retrouvé qu’en nous reliant, qu’en partageant de nouveau des valeurs communes, nos vérités, à travers une mythologie qui nous convienne, à laquelle nous allons adhérer. C’est une religion dans un certain sens, parce que c’est quelque chose qui nous relie. Mais ce n’est pas la religion dans le sens qu’on la connaît aujourd’hui, ce qu’elle est devenue. Le mot religion a deux significations à l’origine; le premier est le fait de relier, le second est le fait de relire. Relier les gens entre eux à travers des liens qui créent un sens. Permettre aux gens de relire les événements de leur vie pour en découvrir la trame, pour en comprendre tout le sens.
Les mythes sont les atomes du sens et le fil conducteur qui peut nous relier. Pour retrouver le sens, nous devons d’abord commencer par construire nos propres symboles et mettre en place l’alphabet de nos mythes; il faut se bâtir une mythologie personnelle. Il faut imaginer puis bâtir notre village. Les mythes sont les éléments fondateurs sur lesquels repose notre village.
L’histoire de nos ancêtres est un outil essentiel pour nous aider à construire nos mythes. On retrouve dans le legs de nos ancêtres une richesse collective de mythes et d’archétypes qui expriment des valeurs profondes, des vérités. Les cultures primitives regorgent d’une richesse inépuisable à ce niveau. À nous de retrouver nos origines, nos racines, notre humilité et créer un espace pour laisser entrer dans nos vies un peu de cette sagesse.
Adhérer à ces mythes n’est pas une marque de naïveté mais un acte de courage. À travers les histoires qu’ils nous racontent, les mythes font surgir la magie dans nos vies. Ils changent notre regard et injectent un sens à notre histoire. Un sens qui éveille. Un sens qui guide. Un sens qui fait avancer. Un sens qui révèle. Un sens qui devient l’essence d’une vie; un sens qui relie.
