Paradoxe

Le paradoxe est un principe fondamental de l’univers. C’est une chose et son contraire.  C’est la lumière qui naît de l’obscurité. La vie qui se nourrit de la mort. La liberté qui ne peut exister sans la présence de limites. La force de la vulnérabilité.

Le paradoxe est formé de deux pôles, de deux extrêmes. Ces pôles sont à la fois complémentaires et opposés et sont indissociables. De la tension qui existe entre ces pôles émerge la nouveauté, une dimension qui n’existe ni dans un pôle ni dans l’autre. La danse des pôles qui tour à tour s’attirent et se repoussent annonce et fait naître le changement.

Le paradoxe est une dualité. Une dualité qui cherche à la fois à se séparer et à se réunir. Dans la philosophie chinoise, c’est le principe du yin et du yang.

Symbole chinois du yin-yang

À la base du paradoxe on retrouve le principe de relation. Le paradoxe ne peut exister que parce qu’il met en relation deux extrêmes. Cette relation entre deux extrêmes produit une force d’où émerge la création. Ce n’est pas l’existence du paradoxe qui le rend important. Son importance découle de la relation qu’il entretient. Une relation qui, comme toutes les relations, transforme et permet de créer.

La transformation est le passage d’une forme à une autre. Le préfixe trans provient du latin et indique un passage, le fait d’aller au-delà. Se transformer c’est donc passer d’une forme à une autre, c’est aller au-delà de la forme actuelle pour épouser une nouvelle forme. De la tension qu’entretient le paradoxe émerge le changement qui transforme.

Le paradoxe nous enseigne que tout vient en paire. Qu’on ne peut écarter l’un des éléments de cette paire sans les faire disparaître tous les deux. Faire l’expérience du paradoxe nous entraîne à accepter que les expériences vécues manifestent à la fois un aspect positif et un aspect négatif. Que dans toute situation se cache une chose et son opposé. Que les expériences qui nous paraissent négatives contiennent toujours des éléments positifs. Mais il est souvent difficile de les discerner; il faut parfois changer complètement notre regard pour en être capable.

La vie est une artiste. Son art est la sculpture. Le paradoxe est son outil. Nous sommes sa matière première, le bois qu’elle sculpte. À notre naissance, nous sommes un bloc de bois brut. Dans ce bloc se cache une œuvre d’art dont la forme est déjà définie mais dont l’expression reste invisible.

À travers les expériences que nous vivons, la vie nous cisèle patiemment et adroitement. Enlevant ici et là le bois qui recouvre l’œuvre qui se cache en nous. Parfois la beauté apparaît immédiatement; nous percevons alors l’expérience comme heureuse. Parfois le coup donné ne révèle pas immédiatement cette beauté; nous percevons alors l’expérience comme malheureuse. De tous ces coups se dessine l’œuvre qui se cache en nous. Chaque coup du sculpteur a son importance, a sa finalité. Cette finalité c’est de nous dépouiller de cette écorce qui nous recouvre et qui ne sert qu’à protéger notre essence le temps qu’elle puisse être travaillée.

La vie est une grande artiste. Elle possède ce regard, cette lucidité qui lui permet de découvrir et mettre à nu une grande œuvre qui est cachée.

Par la vie, l’univers nous offre la possibilité d’exprimer cette œuvre. Il faut pour cela savoir faire le vide en nous et créer ainsi l’espace nécessaire pour devenir réceptif et accueillir les paradoxes qui se présentent. Sans cet espace, sans cette ouverture, point de relation, point de transformation possible. Cet espace, ce vide, paradoxalement, sert à nous combler.

Constater un paradoxe, c’est donc voir un possible. C’est constater que les forces nécessaires au changement sont là, qu’elles peuvent être libérées. Pour que la vie puisse nous sculpter sans à coup, il faut savoir s’abandonner. Il faut laisser la vie nous travailler avec confiance, lui donner de l’espace. Il faut accepter de ne pas reconnaître encore la nouvelle forme qui se dessine. Il faut accepter aussi que la vie doive parfois nous fendre, ouvrir une brèche en nous, pour découvrir ce qui se cache, pour laisser la lumière entrer. Cette blessure à l’écorce s’avère nécessaire pour que notre essence se dévoile, pour qu’elle émerge et puisse s’exprimer. Cette écorce, qui est l’image de notre ego, a servi à nous protéger pendant que nous grandissions et étendions nos branches vers le ciel. Vient un moment où nous devons cesser de nourrir cette écorce, notre ego, pour diriger notre énergie vers nos racines et les faire croître.

Derrière chaque vie, se cache la sagesse de l’univers. Un univers créatif qui veut nous entendre réciter le poème inscrit dans chacun de nous.

Nous sommes tous des arbres. Enracinés solidement dans le sol, nous arrivons à un moment de notre vie où le mouvement vers notre origine doit s’amorcer. Retourner à nos racines et les étendre vers les autres pour nous relier. Y puiser la source d’amour, cette sève qui pourra ensuite remonter à la surface et nourrir le fruit né de l’histoire d’une vie.

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