Pièges

Le chemin de vie que nous parcourons renferme son lot de pièges. Des pièges qui s’apparentent à des mirages car ils font miroiter une chose désirée, un plaisir, une satisfaction que nous pouvons obtenir rapidement. Lorsque nous y posons le pied, nous constatons rapidement que la satisfaction ne dure pas et que nous avons été pris au piège.

Le mot piège a comme origine latine le mot pedica qui dérive du mot pieds. Il indique la présence d’une entrave ou littéralement d’un lien aux pieds. Être pris au piège c’est donc ne plus pouvoir avancer, avoir les pieds liés, être immobilisé.

Les pièges existent sous plusieurs formes. Tous n’ont qu’une seule raison d’être; nous enseigner quelque chose.

Il y a d’abord le piège temporel. En voulant s’assurer d’un avenir radieux, nous sommes souvent tentés de sacrifier le moment présent et vivre constamment pour tenter de contrôler un futur incertain. Tout ce que nous faisons est en fonction d’un bonheur futur. Si je fais ceci aujourd’hui, je m’assure de cela demain. Cela pose problème quand la majorité de nos actions sont orientées en fonction du futur. Il y a alors négation du moment présent de façon presque totale. Le mirage d’un bonheur futur anticipé nous fait oublier que le bonheur naît d’abord du moment présent. Le piège temporel cherche à nous en écarter en nous ramenant dans le passé ou en nous projetant dans le futur. C’est un piège qui se nourrit de la fuite vers l’arrière ou de la fuite vers l’avant, de la peur d’affronter des situations, du besoin d’être en contrôle, d’anticiper les conditions à venir. L’enseignement de ce piège est que l’ici et maintenant est cet espace où notre vie et notre attention doivent être ancrées. Le futur n’existe pas encore et le passé n’est plus déjà. Le moment présent est toujours là.

Le second type de piège est la béquille. C’est le dispositif qui permet de pallier à des faiblesses, qui nous donne l’impression d’avancer même si nous ne prenons pas appui sur nos pieds. Nous avançons mais au prix de grands efforts. L’enseignement de ce piège est que nous ne sommes pas solidement ancrés. Pour l’être nous devons reposer sur nos propres pieds.

Il y aussi le piège de la compétition. C’est celui où on se démène pour chasser les autres du chemin plutôt que le partager avec eux. L’enseignement de ce piège est que la compétition nous isole des autres. Il faut opter pour la coopération qui nous rapproche et nous permet de tisser des liens.

Il y a le piège de l’avoir plutôt que l’être. C’est investir sur la possession plutôt que l’accomplissement. C’est développer nos avoirs plutôt que notre personne. L’enseignement de ce piège est que la vraie richesse apparaît lorsqu’on investit dans notre façon d’être, dans notre propre personne plutôt que dans nos avoirs.

Il y a le piège du conformisme. C’est refuser de sortir des sentiers battus pour emprunter le petit sentier qui s’offre à nous. La magie de la vie ne se trouve pas sur les grands boulevards, mais dans ces petits sentiers uniques qui expriment notre essence. L’enseignement de ce piège est qu’une vie authentiquement vécue doit d’abord commencer par l’acceptation de ce qui fait de nous une personne unique. C’est incarner notre originalité plutôt que rechercher à tout prix l’approbation des autres.

Il y a le piège du raccourci. C’est vouloir éviter de prendre le chemin qui nous prépare, nous forme par l’expérience à bien vivre la suite de notre vie. C’est choisir le chemin qui semble plus facile mais qui ne mène nulle part. Comme le disait le philosophe Sören Kierkegaard :

«Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin.»

Sören Kierkegaard, philosophe

L’enseignement de ce piège est que nous devons passer par certaines expériences, parfois difficiles, pour nous préparer à affronter des situations, pour nous transformer.

Il y a le piège de la permanence. C’est le piège qui nous fait croire que tout durera indéfiniment, que l’existence d’une chose aujourd’hui garanti sa présence demain. L’enseignement de ce piège est que tout est impermanence. Tout a un commencement et une fin.

Et finalement, il y a le piège circulaire. C’est le plus sournois. Car il nous donne l’impression d’avancer même si nous repassons constamment par les mêmes endroits, par les mêmes expériences. C’est un piège qui se nourrit d’un manque de lucidité, de notre incapacité à nous souvenir. Ce que ce piège nous enseigne est d’observer avec lucidité nos comportements pour y reconnaître un fil conducteur, une situation que nous devons changer.

Tous ces pièges ne font que nous retarder, le temps que nous absorbions leurs enseignements. Ils n’éliminent pas en nous ce besoin instinctif, ce besoin primal d’avancer. Lorsque notre lucidité nous permet de constater la présence d’un piège, nous avons toujours le choix de nous en extirper, de nous relever puis de repartir vers l’avant. Lorsque nous réussissons à le faire, nous pouvons à juste droit avancer à fière allure car nous avons vaincu un piège. Nous avons appris. Notre expérience s’est enrichie.

Caillou dans un soulier, fatigue aux pieds, pièges rencontrés. Le fait d’avancer comporte des désagréments. Les constater, c’est aussi constater la progression, c’est confirmer que nous sommes toujours en mouvement.

Faisons un pas puis un autre. Un pas à la fois, continuons d’avancer.

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