L’appel est un événement singulier. Un événement en apparence anodin mais quand même très particulier. Pour pouvoir comprendre ce que l’appel véhicule, notre attention doit pouvoir se tourner vers lui; en déclenchant une phase d’éveil, l’appel s’assure de la capter. Comme un cri strident qui retentit dans la nuit, l’appel cherche à ramener notre attention vers ce qui est essentiel. L’appel est cette voix qui transporte un message important; l’appel s’exprime par une vocation.
Du mot latin voco qui dérive lui-même de l’indo-européen wek (dire), la vocation est une façon de dire, une façon d’inviter, une façon de s’engager à accomplir une fonction supérieure que l’on doit remplir. Cette fonction supérieure est notre mission de vie, une histoire qui se cache en nous dans notre vrai centre; une histoire originale que nous devons déployer le temps d’une vie.
Le psychologue Abraham Maslow a établi dans les années 1940 ce qu’il a appelé la pyramide des besoins. Cette pyramide exprime la hiérarchie des besoins d’une personne. À la base de cette pyramide, on retrouve d’abord les besoins physiologiques qui correspondent à la respiration, la faim, la soif, le sommeil et l’élimination. Ces besoins sont prioritaires et doivent être comblés avant de pouvoir s’attaquer à répondre à nos autres besoins. On retrouve ensuite le besoin de sécurité qui correspond à la mise en place d’un environnement stable qui permette le développement harmonieux de la personne. Suivent ensuite les besoins d’appartenance et d’estime qui correspondent au sentiment d’appartenir à un groupe, de se sentir utile et apprécié et de pouvoir établir des liens affectifs avec d’autres personnes en toute confiance. Le niveau supérieur de la pyramide des besoins regroupe le besoin de s’accomplir et de se dépasser. C’est le niveau où nous devons devenir pleinement authentiques pour pouvoir ainsi exprimer en toute vérité notre propre histoire.
Dans notre première moitié de vie, nous cherchons d’abord à répondre à nos besoins physiologiques ainsi qu’à nos besoins de sécurité et d’appartenance. Notre identité se forme alors pour correspondre aux attentes des autres et de la société. C’est une réponse que nous mettons en place afin d’être accepté et de pouvoir faire partie d’un groupe. Cette forme correspond à notre ego.
Dans notre seconde moitié de vie, un renversement se produit. Si la réponse que nous avons mise en place pour répondre à nos premiers besoins va à l’encontre des besoins supérieurs d’accomplissement et de dépassement de soi, nous sommes rappelés à l’ordre; nous devons revoir nos façons de faire pour pouvoir répondre à ces besoins supérieurs. Ils deviennent une priorité.
L’appel est cette mise en garde, cet éveil, qui nous demande de mettre toute notre attention sur ce qui est essentiel; retrouver notre vrai centre, le chemin qui nous est propre, afin de prendre conscience de notre propre histoire. L’appel est un rappel à suivre notre propre chemin et à délaisser les sentiers battus. C’est revenir à cette essence qui fait de nous ce que nous sommes; c’est revenir à nos racines.
Ce renversement en seconde moitié de vie est un mouvement qui nous ramène vers l’intérieur. Il cherche à nous faire retrouver et à remettre au centre de notre vie cette histoire qui doit ensuite être exprimée. C’est un mouvement vers l’intérieur qui précède un déploiement vers l’extérieur. C’est faire germer ce potentiel nourri et porté par nos racines afin que l’histoire que nous portons puisse se déployer.
Cette étape de déploiement est celle où l’on déroule notre histoire; c’est une spirale d’évolution. C’est le moment où nous retournons sur notre chemin à travers un nouveau départ; c’est le moment où nous nous mettons en route vers notre destin. Chaque pas que nous faisons est un pas vers l’accomplissement, un pas de plus pour franchir la distance et pouvoir se dépasser.
Le mot accomplir vient du latin compleo qui veut dire remplir, combler à l’aide de. S’accomplir est le fait de remplir, de combler notre vie à l’aide des expériences qui expriment notre mission de vie. Il y a en chacun de nous un trésor sacré qui contient une histoire unique, une histoire qui reflète notre origine. Ce nouveau départ est une réponse à l’appel de notre vocation qui cherche à nous accomplir puis à nous dépasser.
Cette voix qui nous appelle, c’est une voix qui nous guide et qui cherche à nous ramener vers notre histoire. C’est la voix de la sagesse, la voix de nos ancêtres qui s’exprime en nous pour que nous puissions continuer à porter leurs rêves à travers nos pas. Nous sommes la continuité d’une grande histoire qui s’écrit et se déroule sur des centaines de générations. Nous sommes ces êtres éphémères qui incarnent et portent le temps d’une vie une histoire éternelle. Une histoire dans laquelle nous devons inscrire notre propre chapitre; un chapitre d’amour et de création.
Cette grande histoire, c’est l’histoire d’une belle naissance à venir. L’histoire de la création d’un être inconnaissable à notre échelle, mais dont nous sommes tous une cellule vivante, une cellule imaginale. Créer cet être petit à petit, pas à pas, une inspiration à la fois, c’est véritablement à la fois s’accomplir et se dépasser. C’est aller chercher au plus creux de nous-mêmes cette énergie divine qui permet la création; la partager avec les autres et enfin se relier.
Suivre cette voix qui parle de vocation, c’est s’écouter. Écouter pour accueillir. Accueillir pour libérer. Se libérer en se donnant aux autres; se libérer en servant.
Notre vocation est l’expression de cette histoire que nous devons partager. Un morceau d’histoire qui demande à être relié aux autres pour redonner à cette grande histoire toute sa cohérence. L’histoire de l’émergence d’un grand arbre, d’une belle communauté; l’histoire de l’émergence d’un beau village.