Vulnérabilité

S’il y a une qualité qui est sous-estimée et souvent plutôt perçue comme un défaut, c’est bien la vulnérabilité. Notre culture traite la vulnérabilité comme une faiblesse, comme une imperfection, comme une défaillance. Mais ce regard est superficiel; lorsqu’on considère la vulnérabilité avec un regard empreint de profondeur, on constate qu’il en est tout autrement.

Être vulnérable, c’est accepter de vivre en restant ouvert à tout ce que la vie peut nous offrir. La racine du mot vulnérabilité provient du latin vulnus qui signifie blessure. Être vulnérable est donc cet état dans lequel nous acceptons de vivre ce que la vie nous présente même si cela peut nous atteindre et nous blesser.

Le mot vulnus dérive lui-même de vello qui veut dire arracher, détacher, dépouiller un animal de sa toison. La toison, c’est le mot vellus qui représente la peau d’une bête, son poil, ce qui le recouvre et le protège.

Figurativement, la blessure est donc ce qui nous arrache les poils, ce qui nous dépouille de cette peau qui nous recouvre; c’est une mise à nu. La blessure est un événement traumatique, mais c’est aussi un événement qui a un potentiel libérateur. En nous débarrassant de cette peau qui nous recouvre, de notre carapace, la blessure nous fend; elle crée une ouverture en nous. Une ouverture par laquelle nous pouvons mieux ressentir ce que la vie nous offre et accueillir de nouvelles expériences.

Lorsque nous grandissons, nous revêtons une armure pour nous protéger car l’image que nous nous faisons de nous-mêmes est construite à partir du regard des autres; nous voulons être acceptés. En mettant en place cette carapace, nous nous fermons partiellement au monde des sensations; notre carapace filtre tout ce qui peut nous toucher; elle ne laisse entrer que ce que nous jugeons sans danger. Cette étape est nécessaire pour nous construire mais elle ne doit pas perdurer. Comme le poussin qui grandit dans l’œuf, cette carapace ne doit exister que pour un temps; celui qui est nécessaire pour nous construire et nous rendre à la prochaine étape; celle de l’éclosion.

Vient un moment dans notre vie où nous constatons la présence de cette armure qui ne nous sert plus. De son rôle initial de protection, elle se transforme lentement en une véritable prison. En voulant trop nous protéger des dangers de la vie, nous refusons des expériences qu’elle nous offre car nous craignons le danger; nous nous privons ainsi d’expériences nouvelles qui pourraient nous faire grandir.

La blessure est souvent ce qui nous débarrasse de notre carapace. En nous fendant, elle crée cette brèche, elle crée cette ouverture par laquelle nous pouvons accueillir ce qu’il y a de plus beau. Elle laisse entrer en nous des sensations que nous avions oubliées; la blessure est cet événement libérateur qui nous ouvre à la vie. La blessure annonce l’éclosion en nous de la vulnérabilité.

Accepter la vulnérabilité, c’est se dépouiller de cette carapace qui nous recouvre pour entrer en contact avec le monde qui nous entoure. C’est accepter d’être touché par lui. C’est cesser d’éviter les expériences qui recèlent un danger, mais plutôt les accueillir en sachant que nous avons la capacité de nous relever rapidement si elles nous font tomber. Car la vulnérabilité ne se présente pas les mains vides; sous sa vraie forme elle est accompagnée de son âme sœur qui s’appelle résilience.

Le mot résilience provient du latin salio qui signifie sauter, bondir et précédé du préfixe re-. La résilience est donc la capacité de rebondir. Le mot salio signifie aussi palpiter, tressaillir, battre. Accepter d’être vulnérable c’est donc s’ouvrir à des expériences qui feront battre notre cœur, qui nous feront nous sentir pleinement vivants. C’est gérer l’inconnu en sachant que nous pouvons toujours compter sur notre capacité à nous relever.

Lorsque la vulnérabilité s’enracine en nous, nous pouvons enfin nous dépouiller de cette carapace qui s’est avérée importante mais qui n’a plus sa raison d’être. L’éclosion de la vulnérabilité est le signe que nous pouvons maintenant être pleinement touché par la vie et rebondir au besoin.

Être vulnérable, c’est oser l’ouverture, c’est se mettre à nu pour accueillir les expériences de la vie. Accepter la vulnérabilité, c’est se dépouiller, c’est se dévoiler. En choisissant les risques de la vulnérabilité plutôt que le confort de notre carapace, nous faisons naître une grande qualité; un trésor apparaît. La vulnérabilité est ce qui fait naître l’authenticité. N’étant plus recouvert de cette peau, de cette toison qui nous protégeait, ne cherchant plus à moduler l’image que nous projetons aux autres, notre expression devient authentique. Il n’y a plus de rôle emprunté, nous assumons pleinement ce que nous sommes en vivant notre propre histoire et en l’exprimant authentiquement. What you see is what you get.

Cette faiblesse que notre culture associe à la vulnérabilité, n’est qu’un aspect partiel, que le germe, que la pousse minuscule de ce qui deviendra une magnifique fleur appelée vulnérabilité. La carapace que nous construisons autour de cette pousse minuscule a son importance, mais elle ne doit pas perdurer. Lorsque la vie sait que nous sommes prêts à éclore, elle crée cette blessure pour fendre notre carapace pour que nous puissions en sortir. C’est un moment de naissance, un passage vers une nouveau monde. C’est un grand moment comme seule la vie peut en créer.

Être vulnérable, c’est oser dire, c’est oser être, c’est oser se dévoiler pour exprimer notre authenticité. C’est risquer la chute à tout moment, c’est risquer de chavirer, c’est risquer de se faire renverser par le monde qui nous entoure. Mais c’est aussi savoir que dans notre vrai centre se trouve une source de résilience qui nous permet de rebondir, de retomber sur nos deux pieds lorsque la vie nous fait trébucher. Cette source de résilience provient d’un amour intarissable qui nous ouvre à la vie et qui nous rend authentiques.

Être authentique, c’est exprimer notre essence, c’est exprimer cette histoire qui se cache en nous. Être authentique, c’est vivre notre propre histoire plutôt qu’une histoire empruntée. C’est devenir l’auteur de notre propre vie. La vulnérabilité est cette qualité, cette forme de sagesse qui rend cela possible.

Avec beaucoup de courage, embrassons notre vulnérabilité. Faisons de cette qualité une force dans notre vie.

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