Courage

La plupart des choses qui existent dans l’univers sont formées de deux pôles distincts qui à la fois s’opposent et se complètent. C’est parfois la face visible et la face cachée des choses, le pile ou le face, le décor et son envers, le yin et le yang, les ténèbres et la lumière.

C’est par le rapport de force entre ces deux parties, de la danse entre ces pôles, que de nouvelles forces émergent. Des forces qui sont souvent créatrices car elles font naître le nouveau, elles engendrent le possible. Le courage fonctionne selon ce principe. Son pôle opposé est la peur. Sans peur, le courage ne peut exister. Pour pouvoir exercer son courage, il faut avoir peur.

La racine du mot courage provient du latin cor qui signifie cœur et du suffixe –age qui signifie qui agit avec. Le courage est donc ce qui permet d’agir avec le cœur comme point d’ancrage, comme foyer des décisions. Le propre des décisions qui proviennent du cœur est qu’elles peuvent surmonter la peur, contrairement aux décisions prises par la raison. La raison est souvent la source de la peur car elle cherche à nous protéger, plutôt que nous faire grandir. Le cœur, lui, cherche à nous réaliser en transformant le possible. C’est le cœur qui nous fait éclore, qui nous donne l’énergie nécessaire pour affronter les difficultés, pour repousser nos limites toujours plus loin.

Le sage chinois Lao Tzu, l’auteur du Tao Te Ching, disait qu’être aimé profondément donne de la force alors qu’aimer profondément donne du courage. Le cœur est une source de courage. Une source qui s’alimente à même les émotions, les valeurs et l’essence de la personne.

Le courage est la faculté de dépasser la persona, ce masque que nous portons pour projeter une image qui corresponde aux attentes des autres. Le courage est cette façon d’agir qui se base sur l’authenticité. Agir avec courage implique que nous acceptions de nous montrer tels que nous sommes vraiment. Que nous montrions aussi que nous sommes vulnérables. La peur est ce que l’on ressent alors que le courage est ce que l’on fait. Il prend sa source dans notre vulnérabilité.

Souvent, la meilleure réponse à la peur est de se diriger directement vers le danger perçu de façon à le neutraliser et à le dépasser. Dans tous les cas, la peur est un message ; celui de rester attentif. Attentif à un danger qui souvent cache quelque chose d’important, quelque chose qui en vaut la peine. Car le danger, lui aussi, ne vient jamais seul. Dans toute situation de danger, se cache quelque chose de grand qui ne demande qu’à être cueilli.

Le courage, c’est la capacité de rester debout solidement sur nos pieds et de continuer d’avancer malgré la peur, le danger ou les difficultés. C’est de continuer même si la force n’y est plus. Le vrai courage est drapé de modestie. Il ne se reconnaît pas dans la voix du lion qui rugit, mais dans cette petite voix qui à la fin de la journée nous incite à essayer de nouveau le lendemain. C’est une force qui cherche à vaincre à tous les jours les petits et grands défis de la vie.

Le courage exige souvent de la patience et du renoncement. Patience pour attendre que les conditions propices soient présentes pour faire le prochain pas. Renoncement lorsqu’on doit parfois accepter de ne pas faire ce pas car il n’est pas dans les meilleurs intérêts des autres. Être courageux, c’est parfois accepter de souffrir pour le bien des autres. C’est être juste plutôt que partial.

Faire preuve de courage demande d’abord d’accepter toutes les conséquences de nos actions. Ces conséquences prennent souvent la forme de souffrance. Souffrir, c’est porter en soi une charge, un poids. Accepter le risque de la souffrance, c’est comprendre que l’on a en soi les ressources nécessaires pour porter ce poids. C’est à partir de cette constatation que le courage peut naître. Faire preuve de courage, c’est se dépasser, c’est aller au-delà des peurs qui nous habitent pour se réaliser toujours un peu plus. Le courage est un cercle vertueux ; il produit de la beauté et de la confiance qui, après s’être exprimés, deviennent les ingrédients de nouvelles doses de courage.

Le vrai courage implique de choisir de vivre quand il faut vivre sans oublier que la mort nous guette toujours. Amelia Earhart a été la première femme aviatrice à traverser l’océan Atlantique en solo en 1932. Elle avait compris que le courage était le prix à payer pour être en paix avec elle-même, en réalisant les rêves qu’elle chérissait. Elle avait choisi de le faire malgré ses peurs plutôt que se résigner. Cinq ans plus tard, un de ces rêves l’emportait vers la mort.

Le courage n’élimine pas le risque. Faire preuve de courage c’est aussi accepter les risques de ne pas réussir. Mais le courage nous donne toujours le sentiment de vivre pleinement. Vivre pleinement les souffrances qui parfois en découlent mais vivre pleinement aussi les réussites qui en dépendent. Il faut choisir le courage car il nous fait avancer. Il nous fait découvrir des aspects de nous-mêmes que nous ne connaissions pas. Il nous rend vivant. Laisser la peur nous dominer, c’est laisser la mort s’installer en nous, c’est devenir petit à petit un mort-vivant.

Acceptons de tomber parfois, laissons tomber le masque, assumons notre vulnérabilité. Le vrai courage c’est de faire acte de ce que l’on est. C’est exprimer notre essence véritable. Là se trouve le chemin du courage. Un chemin souvent difficile, mais le seul chemin qui en vaut la peine. Car c’est le seul chemin par lequel nous vivons nos rêves plutôt que rêver notre vie.

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