Résonance

Le mot d’aujourd’hui est apparu au fil du temps. Contrairement aux autres mots, il ne m’a pas été soufflé par l’inspiration. C’est plutôt un mot qui s’est révélé par lui-même, au fil de mes lectures et de mes expériences, comme s’il cherchait à faire la synthèse, à relier à travers un sens commun, un fil conducteur, tous ces mots qui l’avaient précédé.

La résonance débute par quelque chose qui vibre, quelque chose qui me parle. J’entends un message. Ce message réveille quelque chose, il fait vibrer une corde en moi. Ma réponse est ensuite transmise réciproquement à la source du message qui la reçoit et qui vibre encore plus. C’est le principe de la résonance; l’expérience d’un échange circulaire qui se module dans un va et vient en harmonie. Un échange qui nourrit à la fois la chose qui en est l’origine et celle qui participe à l’échange. Un échange qui prend la forme d’une spirale d’interactions.

La résonance je l’ai vécue avant de pouvoir la nommer. Je l’ai vécue à travers des expériences dans des endroits que les Celtes appelaient des « thin places ». Des « espaces minces » parce qu’à ces endroits on sent qu’on est en présence d’un mystère, on a l’impression de pouvoir toucher à un autre monde, on a l’impression que seul un mince voile nous en sépare.

Ces « espaces minces » sont des espaces de résonance. Des endroits où, pour des raisons qui nous sont propres, nous sommes plus facilement en relation avec ce qui nous entoure. Nous sommes à l’écoute et attentifs à ce que la vie nous chuchote. Ce degré d’attention permet l’expérience de la résonance en laissant monter ces messages à notre conscience. C’est l’expérience d’une porte qui s’ouvre entre deux mondes. Un lien qui s’établit. Un échange qui s’installe. Un autre monde nous parle et nous lui répondons. Cet autre monde nous transforme et nous le transformons.

Mes plus fortes expériences de résonance, je les ai vécues dans des moments de ma vie où j’étais dans un passage, où je me situais en quelque sorte entre deux mondes. La perte des repères habituels, la transition que cela représente m’ont sans doute permis d’être disponible à ces moments en étant plus attentif à ce qui m’entourait à la fois dans le monde extérieur et dans mon monde intérieur.

Comme un éclair qui jaillit subitement dans le ciel, l’expérience de résonance arrive sans s’annoncer. C’est un moment où un message nous est lancé, où la vie cherche à nous rejoindre pour nous toucher. Cela peut se manifester par une émotion qui nous envahit à la suite de la vision d’un paysage ou d’une expérience sensorielle. À la base c’est une expérience qui s’imprime en nous, à travers nos sens, et qui rejoint une partie sensible de notre personne. Sensible, car elle sait répondre à ces sensations en se mettant à vibrer à son tour. La boucle de résonance est ainsi établie.

Le propre de l’humain est de rechercher les expériences de résonance. Des expériences qui touchent et qui transforment. La résonance est une expérience qui nous nourrit. Elle a cette capacité, à travers les échanges qui la composent, de nous transformer en recevant et en redonnant en retour. Cet échange nous nourrit et nourrit l’autre à son tour.

Dans la vie de tous les jours, les habitudes font que nous répétons souvent les mêmes gestes, sommes souvent dans les mêmes endroits, et éprouvons les mêmes sensations. Notre cerveau, quand il s’agit d’actions et de lieux habituels, autrement dit de répétition, gère les sensations éprouvées sans impliquer notre conscience. Par habitude, nous sommes alors moins attentifs aux murmures de la vie et à la façon dont elle cherche à nous rejoindre. La vie s’exprime discrètement. Elle cherche toujours à nous parler doucement, sans faire de bruit. Un simple moment d’inattention est suffisant pour nous faire manquer ses messages.

Pour répondre à ce besoin inné de résonance qui n’est souvent pas comblé dans la vie de tous les jours, nous choisissons de vivre des expériences, comme des voyages, qui brisent nos habitudes. Étant dans un nouvel environnement, de façon instinctive nous devenons plus conscients face à ce qui nous entoure. Cette attention renouvelée devient l’ingrédient principal pour nous faire vivre des expériences de résonance.

Récemment, j’ai fait le choix d’aller en Islande, en pèlerinage, pour marquer un passage de ma vie. J’ai été attiré par ce pays sans comprendre vraiment pourquoi je souhaitais marquer ce passage à cet endroit. J’ai choisi de suivre mon intuition en me disant que je comprendrais plus tard. Mon souhait était de vivre une expérience de la nature avec ce qu’elle a de plus sauvage en empruntant un parcours de randonnée connu pour ses paysages variés; montagnes multicolores, sources géothermales, volcans, glaciers, champs de lave et déserts à l’apparence lunaire. Je sentais qu’à travers cette expérience je pourrais sans doute m’approcher un peu plus de ma propre nature.

Le quatrième jour de mon expédition dans les hautes terres de l’Islande, j’ai vécu une expérience de résonance. Je marchais dans un champ de lave, sans penser à rien de particulier, entouré de ces volcans que je savais au loin sous les glaciers. Sans avertissement, une forte émotion a surgi en moi. Je suis resté là pendant plusieurs secondes à la contempler pendant qu’elle me traversait.

J’ai compris plus tard que j’avais vécu une expérience de résonance. Cette forte émotion portait un message qui venait de m’être livré. Un message provenant d’une source profonde en moi. Cette émotion était comme un passeur qui m’avait ouvert une porte, qui m’avait donné accès à un monde qui me permettait de comprendre le sens et l’essence du message.

J’ai compris que les volcans de l’Islande venaient de réveiller en moi mon volcan intérieur. À travers leur message, par un effet de résonance, mon volcan intérieur était entré en éruption pour me faire comprendre quelque chose. Cette forte émotion, c’était un magma intérieur qui remontait à la surface de ma conscience pour qu’enfin je comprenne. Les volcans de l’Islande, à travers ce pèlerinage qui m’avait attiré vers eux, venaient de faire résonner une réponse.

La société met beaucoup d’emphase sur notre capacité à raisonner, en fondant nos façons de vivre sur la logique de la raison. Mais les valeurs de la société contemporaine ont été teintées par une arrogance. En maîtrisant de plus en plus la connaissance, nous en sommes arrivés à écarter tout mystère. Nous sommes devenus la seule chose pensante; nous avons choisi de maîtriser la nature plutôt que l’écouter. À force de penser que nous sommes les seuls êtres dotés de la capacité à s’exprimer, nous avons cessé de comprendre le langage de la nature. Le langage du vent, de la rivière, du soleil, de la lune, des nuages et des montagnes. Le langage des volcans.

Ces langues parlées nous les avons perdues. Le monde qui nous entoure est alors devenu, à nos sens, un monde muet. Un monde vidé de sa magie. Jusqu’à ce que des expériences de résonance réussissent à nous atteindre et à nous toucher. Jusqu’à ce que nous réapprenions de nouveau ce que nos ancêtres avaient compris depuis longtemps. Jusqu’à ce que nous cessions d’être aveuglés par le progrès technique qui nous amène sur le chemin de l’arrogance et qui nous empêche de trouver notre vraie place. Jusqu’à ce que nous retrouvions cette révérence que nos ancêtres avaient pour la nature. Jusqu’à ce que nous redevenions suffisamment humbles pour redécouvrir le mystère qui anime tout ce qui nous entoure. Jusqu’à ce que se dévoile l’essence de la nature.

J’aime penser que toutes les choses qui nous entourent nous parlent. Que chacune dispose de son propre langage qui nous est accessible. J’aime penser qu’en étant plus attentif, nous puissions de nouveau entendre le message de ce qui nous entoure et entrer en résonance. Redécouvrir la magie.

Cette façon de voir les choses, cette perspective, est en réalité un retour à l’origine des choses. C’est un retournement. C’est un retour à l’enfance.

Enfant, nous disposions de cette capacité à écouter et à entendre le message du monde qui nous entoure. Nous étions attentifs et dotés d’un regard interrogateur qui se posait sur le monde pour lui parler, pour le questionner. Tout était nouveau pour nous, nous savourions chaque nouvelle découverte. Nous baignions dans la résonance.

À travers la répétition, la formation d’habitudes, à travers notre éducation qui souvent cherche à uniformiser, à travers notre culture qui souvent fait disparaître ce qu’elle ne peut expliquer, nous en sommes venus à cesser d’écouter ce monde qui nous entoure.

La vie est ainsi faite; dans sa grande sagesse, elle nous chuchote et nous murmure sans relâche, avec une grande patience, ses messages jusqu’à ce qu’ils nous atteignent et nous touchent.

La vie est résonance. Elle est à la fois chemin et nourriture. Elle se nourrit de nos histoires et se perpétue à travers elles. Elle trace un chemin qui cache un mystère. Un mystère dont nous sommes tous les enfants. Un mystère qui nous relie.

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