Lorsqu’on pense au sens du mot patience, ce qui nous vient souvent en tête est le fait d’attendre et d’endurer. Ces premières impressions correspondent bien au sens premier du mot patience, mais en même temps peuvent s’avérer limitées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la patience n’est pas une attitude passive mais un choix à faire. On pourrait ajouter que la patience est une action discrète. Au lieu d’une réaction spectaculaire devant une situation donnée, la patience est cette action qui nous permet de tirer de cette situation l’énergie qui nous permet de continuer d’avancer. La patience est une façon de marcher. Elle correspond au choix de continuer à emprunter un chemin plus difficile mais qui mène vers la destination souhaitée.
La patience s’exprime dans l’attente. Attendre, c’est porter son attention vers quelque chose, c’est rester attentif. C’est garder notre regard sur ce qui compte vraiment et ne pas se laisser distraire par des situations ou des impulsions qui nous détourneraient d’un but. Le mot attendre provient du latin adtendere qui veut dire se diriger vers, suivre son chemin, poursuivre sa route. On voit dans ces expressions le fait de ne pas bifurquer vers une autre direction, de s’en tenir au chemin que nous avons tracé.
La vie nous place constamment dans des situations où nous avons le choix entre se laisser emporter par une émotion du moment, ou bien choisir de laisser cette émotion nous traverser en réagissant avec patience. Comme les déferlantes de la mer, les émotions ont cette capacité de nous déstabiliser en nous faisant perdre l’équilibre et en nous emportant vers les eaux plus dangereuses de la colère ou de l’agression. Ce faisant, elles nous détournent de notre route et nous écartent de ce qui compte vraiment; marcher vers notre destin.
La patience est cette façon de marcher qui nous garde sur le bon chemin en nous plaçant en attente. Mais la patience est beaucoup plus; c’est dans le monde souterrain de la patience que le vrai travail se fait. C’est à cet endroit que la patience s’active discrètement. Pour bien comprendre sa façon d’opérer, il faut se tourner, encore une fois, vers la racine des mots.
Le mot patience provient du latin patiens et signifie endurer. La première impression qu’on a en pensant au mot endurer est négative. On s’imagine devoir accepter une situation sans qu’il soit possible de l’éviter ou de s’en plaindre. Cette façon de voir est partielle; pour comprendre vraiment le sens du mot endurer, il faut suivre ses racines.
Le mot endurer vient du latin indurare qui veut dire « rendre dur » en dedans, à l’intérieur. Le mot durare vient de duro qui veut dire persévérer, résister, tenir bon, subsister. Être patient nous amène donc à résister, soit opposer une résistance à une situation qui nous incite à nous écarter de notre chemin pour jouir d’un plaisir de courte durée. C’est une façon de marcher qui nous demande de subsister.
Subsister vient du latin subsistere qui dérive de sisto qui veut dire être debout. En nous apprenant à subsister, la patience nous enseigne donc à rester debout dans notre monde intérieur, à ne pas perdre l’équilibre en versant hors de notre chemin. Le mot substance provient de cette même racine et correspond à ce qui nous aide à tenir, à rester debout malgré les difficultés. Quelque chose de substantiel est quelque chose qui est important pour nous, quelque chose qui compte car il nous aide à continuer à marcher. Nos rêves et nos espoirs ont cette qualité.
Le mot patience a aussi le sens de persévérer. Du latin per-se-verus, il signifie le fait de s’imposer une vérité jusqu’au bout. De là découle d’ailleurs le sens véritable du mot sévère. La patience nous amène donc à rester dans la vérité, à rester authentique dans toutes les situations de la vie en particulier dans celles les plus difficiles. La patience est un défi.
Mais la patience à encore beaucoup plus à nous apporter. Pour le comprendre, il faut creuser plus profondément. On a vu que le mot endurer provient du latin indurare. Le mot durare a comme racine l’indo-européen durus qui veut dire littéralement arbre, chêne. La dureté dont il est question dans la patience est donc la capacité d’être aussi solide qu’un chêne; la patience nous transforme pour que nous devenions semblables aux arbres.
En nous gardant dans le bon chemin, celui de l’humilité, la patience nous ramène tranquillement vers le chemin de nos racines. Ce chemin nous apprend à nous ancrer solidement au sol pour pouvoir résister aux tempêtes que nous traversons dans la vie. Il nous apprend à reprendre contact avec nos racines pour que nous apprenions à nous connaître vraiment. Il nous apprend à grandir en nous élevant avec grâce vers le ciel pour que nous puissions capter sa lumière et en nourrir nos racines pour les étendre vers les autres. La patience nous apprend la sagesse des arbres.
Le mot durus est aussi la racine du mot celtique dont on a tiré le mot druide. Un druide est à la fois quelqu’un de très savant et un magicien des plantes et des animaux. Certains linguistes l’associent au fait de voir clairement, à la sagesse, d’autres associent ce mot à ceux qui connaissent l’arbre. On retrouve le chêne auquel ce mot est relié comme l’arbre de la connaissance dans la mythologie de nombreux peuples. À leur image, nous sommes tous les druides de notre propre vie; nous avons tous un arbre à faire croître.
La patience est cette façon de marcher qui nous amène pas à pas vers une meilleure connaissance de soi. Connaissance qui est essentielle pour savoir qui nous sommes vraiment et qui nous permettra d’exprimer l’histoire originale qui se cache en nous. La patience est un choix souvent difficile, mais un choix nécessaire car c’est grâce à elle que peuvent se tisser les racines qui nous relient aux autres.
La patience nous amène à nous relier; d’abord à soi, puis aux autres. La patience est cette façon de marcher qui nous apprend comment avancer dans le chemin de l’humilité. Comme toute force dans la nature, elle se construit lentement et méthodiquement, un pas à la fois. Chaque pas peut nous sembler infime, mais la nature nous rappelle à tous les niveaux que l’immense naît toujours de l’infime. Marchons patiemment.